le sable un peu trop mouvant dans certains endroits pour que l’on s’en retire, on arrive au Mont Saint Michel. Rien de plus saisissant que cette hauteur, rien de plus hardi et de plus élégant que cette construction, rien de plus triste que cette mer de sable qui vous entoure.
On entre par une pente large taillée dans la roche glissante où les chevaux se prennent avec peine. Nous descendons devant une auberge et quoiqu’on soit onze heures et que nous soyons à jeun, on nous demande de visiter l’abbaye avant de déjeuner, le déjeuner n’est pas
prêt et à cause du retour de la mer, il nous faut repartir à 2 heures.
Ce rocher sur lequel est construit le couvent, est une petite ville où 300 personnes habitent des taudis donnant sur une rue rapide et tortueuse, on apporte tous les vivres et même l’eau douce d’Avranches et de Pontorson où l’on se rend à marée basse. Le Mont est si étroit et l’église si haute, qu’il faut se tordre le cou pour en voir le sommet d’en bas. On y monte par des escaliers de pierre fermés de petites murailles en forme de parapet au dessus desquels on embrasse la mer et les cotes
Ils vendent pour la reconstruction du couvent qui a besoin de grandes réparations, des petites médailles de Saint Michel, des statuettes et des photographies. On nous donne un guide pour visiter l’intérieur qui a été une maison de détention et qui a été organisé ou plutôt désorganisé pour recevoir 200 détenus.
C’est pour détruire tout cet
ouvrage et remettre le tout dans l’état primitif qu’on cherche à faire de l’argent. On nous fait voir la coulée de 300 pieds de haut du sommet de laquelle Barbès a tenté de s’évader en descendant au moyen de ses draps coupés et tressés en corde d’une petite cour séparée de cette coulée par une muraille de 25 mètres de haut environ. Il avait mal pris ses mesures, les draps s’étant trouvés trop courts il s’est laissé tombé de 3 mètres dans cette coulée où il espérait glisser et s’est cassé la cuisse.
Quelle affreuse idée. Il fallait être là-haut pour juger de ce que c’est que la liberté pour un homme.
Ce couvent est des plus curieux à visiter, il y a des salles vastes et supportées par 3 ou 5 rangs de colonnes romanes dont les chapiteaux tous différents mériteraient chacun une attention de quelques minutes. La chapelle qui surmonte le tout est une assez grande église dont la base est romane et le sommet gothique comme dans beaucoup d’autres églises.
Dans un des nombreux escaliers que nous parcourons, on nous montre la pointe du rocher qui saillit à l’intérieur et qui se trouve là à sa plus grande hauteur 350 pieds au dessus du niveau de la mer.
A la porte de sortie, un bas relief représente l’apparition de Saint Michel à l’Evêque d’Avranches pour lui montrer le rocher sur lequel il devra construire.
Un cloître assez large entouré de deux rangées d’élégantes petites
colonnettes à chapitaux très ornés est une des jolies choses que l’on découvre dans ce vieux monastère, une large fenêtre sur le coté en vous laissant voir la mer, vous indique à quelle hauteur vous vous trouvez. C’est prodigieux. Un joli pied d’œillet qui est venu croître entre deux pierres de cette fenêtre nous fait penser à Picciola ; si la fenêtre eut pu s’ouvrir, notre premier mouvement serait de la cueillir. Heureusement pour elle, elle est bien gardée par les verrous et les barreaux rouillés de cette vieille fenêtre. Elle mourra ou la providence l’a fait naître. C’est bien la plus heureuse destinée.
Nous quittons à regret le Mont Saint Michel, que de jolis croquis il y aurait eu à faire et que de sujets de reflexion entre ces vieilles pierres… une heure ou deux de repos là eussent été bien vite passé… Il faut déjeuner, insupportable exigence de la bête. Va donc à ton beefsteak et à ta sole frite et laisse moi rêver sur la pierre moussue que la foi est venue porter là il y a 600 ans pour adorer Dieu en silence comme j’aimerai le faire encore aujourd’hui au milieu de cette mer qui me menace et plus près de ce ciel qui me rassure !!!
Une haie de tamaris en fleur borde la route depuis la sortie
de la grève, jusqu’à Pontorson haie touffue toute verte et rose à coté de sable aride, toujours des contrastes.
Nous remontons en voiture à 3 heures pour nous rendre à Dol où nous reprenons le chemin de fer sans nous arrêter. Il y a, dit-on, une jolie église à Dol. Mais elle est assez loin de la gare et nous avons peu de temps. Je me contente en attendant le train de Saint Malo de faire le portrait d’un bonnet…